Ta vie, ton combat. Ta mort, ma révolte !

Après toi

09/09/2007 00:00

 

J'avais le choix entre te trahir et manquer à notre promesse ou te laisser choisir la direction que tu souhaitais, que se soit à la vie à la mort ! A cet âge-là on fait des promesses inconsidérées. Mais c'est si dur, je ne pensais pas que tu franchirais ce seuil maintenant ni que ce serait aussi rapide… Pas même un appel à l'aide !!! Jamais tu ne m'as appeler, et moi qui n'avais aucun moyen de te téléphoner. Le portable, quelle belle invention. Si j'avais pu t'en offrir un à l'époque, je l'aurai fait ! Le 1er janvier 96, tu as dit ciao ! à la vie… 
Je ne l'apprendrai que plus tard, par téléphone par ton soi-disant ami !Là le temps s'est arrêté pour moi ! Une voix d'homme qui demande à parler à Manue, surprise, je dis oui, et la terre m'est tombée sur la tête ! Il s'est présenté comme étant un copain à toi, qu'il était arrivé malheur. J'ai deviné la suite très rapidement, mais je ne pouvais plus rien dire, j'étais figée serrant ce téléphone contre mon oreille. Seul un Noooooooooooooooooooooooooooon est sorti de ma bouche ! Et ce dernier m'a répondu que si, qu'il était désolé, que tu t'étais suicidé le Jour de l’An. 
Le flash-back des jours précédents tournait en boucle dans ma tête, tu étais mal, tu étais si mal et je t'avais laissé, mais enfin pourquoi je t'avais laissé ? Je ne parlais pas, le silence régnait dans le combiné. J'étais debout, immobile, devant mon silence il me dit de prendre un papier, un crayon et de noter son téléphone pour pouvoir le joindre… Je l'ai fait sans même réfléchir, comme un automate ! 
J'étais incapable de penser, de réfléchir, de dire ou faire quoi que ce soit. Des mots se bousculaient dans ma tête dans le désordre, à la vitesse de milliers de météorites… pas possible, coupable, inexcusable, promesse, mourir, inhumain, trahison, son père avait donc gagné et nous perdu, j'ai simplement réussi à aller me coucher… faisant comme si… espérant juste que Christelle rentrait tard, pour justifier le fait que je sois déjà au lit. Je ne travaillais pas le lendemain ni le surlendemain. J'avais 2 jours devant moi et je n'ai vu que deux solutions : soit je ne survivais pas à la nuit, soit il fallait que j'assure. Garder le contrôle, être forte, c’est devenu une seconde nature. M'effondrer et parler ? Non, je n'ai même pas envisagé, même pas pensé ! Le lendemain, tel un fantôme, j'ai erré à la maison… Je ne pouvais rien faire, rien manger, pas parler, et même pas pleurer… Je n'avais pas pleuré, non ! J'avais les yeux brûlants mais pas de larmes. Je me recouchai avant l'arrivée de ma sœur, et une nouvelle nuit suivie d'une journée de morte vivante passa. Le soir suivant, je n'eus pas le temps de me coucher, elle rentra exceptionnellement vers 19 h 30… J'avais une sale tête, j'étais devant la télévision, essayant de fixer mon attention sur quelque chose. Là, contre toute attente, je lui lançai un « salut » enjoué. Premier mot depuis deux jours que je prononçais. Elle passa devant moi, monta à l'étage pour poser ses affaires et redescendit. Là, en me regardant, elle me dit : - « Oh ! Ben çà vaaaaa toi ? - Et moi du tac au tac… Oh ! La-la, oui je suis juste malade comme un chien depuis 2 jours. Mais bon ça va un peu mieux, je pense que j'irai bosser demain. - Ah ! Ok ! … Tu veux manger quoi ? - Oh rien ça ne va pas passer, je vais plutôt aller me coucher de bonne heure ! » En effet le lendemain je me suis levée et suis partie bosser. Et là, commença le début de mon long mensonge par omission… Celui de la morte qui jouait le rôle du joyeux luron. Jean-Jacques Goldman nous a bercés des heures et des heures, il chantait « encore un matin »… et là cette chanson prend tout son sens pour moi… un matin sans toi ? C'est vraiment un matin pour RIEN !! Je me suis assommée à coup de Balavoine, des heures, des jours entiers, et ça pendant des années ! Aujourd'hui encore je peux écouter en boucle certaines chansons qui semblent me parler de toi. Des chansons que tu n'entendras pas. Parce que, oui ! Figurez-vous que le monde tourne toujours. Des bonheurs, des malheurs… des naissances, d'autres décès. A la Une des journaux, des exploits, Ariane 5 mission accomplie, des catastrophes le Tsunami en Asie. Mais qui parle de nous tous, pauvres petits terriens en détresse ? Le jour, je travaillais, Justine et Fanny pleines de joie m'aidaient à tenir, seule Fanny a pu voir mes moments de profond désespoir, une fois ou deux quand tout devenait trop dur et que j'avais besoin de décharger un peu. Je suis désolée que tu aies été le témoin de ses moments-là, Fanny. Tu n'étais qu'un bébé… Le soir, je devais assurer face à Christelle… Il ne me restait donc que la nuit pour vivre ma douleur. C'est alors que je me suis enfermée dans le sommeil… et oui quelqu'un qui dort autant que j'ai pu dormir cache souvent quelque chose. Complètement désorientée, je n'arrêtais pas de penser à me suicider. Arrêter cette douleur intolérable, barbare, et tellement inutile à mes yeux, puisque j'étais déjà morte. Sauf que cette souffrance, je ne voulais pas la transmettre à mes proches. Trois mois passèrent comme ça avant que je me décide à appeler ce numéro de téléphone resté anonyme. Je ne connaissais même pas le prénom de ce garçon qui m'avait appris ta mort. Tout de suite il décrocha le téléphone, en faite, je n'étais pas prête à parler. J’étais même surprise qu'il ait décroché aussi vite ! 

 

Je lui balbutiais qui j'étais et là… grand blanc ! …

- « Je ne pensais plus que tu allais m'appeler. - Si j'ai besoin de savoir ce que tu sais ! » Il me proposa de se rencontrer, disant qu'il n'était pas très à l'aise pour en parler au téléphone. Malgré la difficulté de cette perspective de rendez-vous j'acceptai, pour le week-end suivant. Espérant ne pas faire marche arrière. Le vendredi soir je partais en direction de chez mes parents, les tripes retournées à l'idée que tu n'étais plus et que cette fois mon escapade ne serait pas pour te voir toi. Samedi midi rendez-vous, je suis en avance je tourne en rond comme un lion en cage… si je pouvais seulement disparaître ! En plus il est en retard, mon angoisse monte. Et s'il ne venait pas ? De toute façon, je ne survivrai pas, c'est le sentiment que j'avais… qu'il vienne ou pas j'allais en mourir. Vingt minutes plus tard il arrivait enfin. Benoît ! C’est autour d'un verre qu’il a commencé à me parler de toi, de comment vous vous étiez connus. C’est vrai que je ne le savais pas, d'ailleurs on ne parlait pas de ça ! Rapidement ne tenant plus je lui posai quelques questions sur les motifs de ma venue. J'appris comment tu avais procédé, que tu n'avais rien laissé, RIEN ! Juste une lettre postée à ce copain avec mes coordonnées. (Au cas où, il se raterait, il ne voulait pas que je sois au courant.) Je sais pourquoi, tu ne voulais pas que quelque chose revienne à ton père, tu voulais qu'il reste avec un vide simplement ! Tout ça je l'ai compris tout de suite. Mais pourquoi ne pas au moins lui avoir laissé une lettre pour moi ? La conversation ne dura pas longtemps en faite, quoi dire de plus à cet étranger, ce messager de la mort. Et puis il a commencé à dévier un peu la conversation, tout doucement… il a commencé à dire que de toute façon le suicide c'était la facilité, que vraiment il ne comprenait pas ton geste, mais que finalement en réfléchissant cela ne le surprenait pas tant que ça, puisse que d'après lui tu étais quelqu’un de faible… Pauvre con, il n'avait vraiment rien compris. Puis il a commencé à dire des insanités que je ne dirai même pas maintenant tellement celui-ci m'a choquée ! J'étais complètement ahurie… Il a continué en me disant que je méritais mieux, il a posé sa main sur la mienne, que j'ai retirée, horrifiée. Mais qu'est-ce qu'il croyait ce pauvre type ? Qu’il allait pouvoir me sauter dessus ? C'était ça ton copain ? Et alors là d'un bond je me suis levée, et lui ai collé une claque à m'en faire mal à la main… Je tombais de bien haut une fois de plus, même ce copain que tu avais, te trahissait aujourd'hui. Je suis allée attendre mon car à la gare, à l'endroit même ou je t'avais vu la 1ere fois, assise par terre, recroquevillée… sauf que moi je ne pleurais toujours pas ! J’avais les yeux tellement secs ! Fin de week-end bien difficile avec un retour sur Paris complètement perdue. Si j'avais su ce 26 décembre 95 que c'était la dernière fois que j’allais dans ton appartement, j'aurai emporté quelque chose. A défaut de toi, au moins ton pull, ton écharpe ? Ta rue est depuis devenue tabou pour moi, la dernière fois où j'ai pu passé devant ton immeuble je n'ai pas résisté à l’envie d’y entrer. Monter l'escalier…, et une fois en haut à la vue du tapis qui n'avait pas changé, je me suis écroulée sur les marches. Assise en boule, le menton sur les genoux, j'étais incapable de redescendre. J'étais devant chez toi, et je prenais le risque de voir quelqu'un d'autre en sortir. J'aurai voulu que tu ouvres cette porte, et que tu me dises que tout ça n'était pas réel. Mais bien entendu, tu n'es pas apparu. Je rêvais de m'acharner sur cette sonnette si class'. Complètement paumée je n'avais aucune notion de durée et je n'ai pas idée du temps que j'ai pu passer dans cette cage d'escalier. C'est alors qu'ont commencé mes cauchemars… 
Nuits après nuits tu reviens, avec des périodes où ça cesse et d'autres où tu réapparais comme pour ne pas que je m'éloigne de toi ! 
Quand je commence à remonter un peu la pente quand je me dis que peut-être je peux arriver à vaincre mes angoisses et mes démons alors ce cauchemar resurgit ! Et là tout s'écroule autour de moi toute la culpabilité que j'arrive maintenant à peu près à gérer dans ma vie de tous les jours. 
Chaque fois ce rêve identique, dans les mêmes circonstances ! Que c'est con un rêve ! Pourquoi ça semble si réel au point de tourmenter mes nuits et d'appréhender de m'endormir pendant des jours et des nuits ? Chaque fois le même scénario se répète et pourtant les événements ne peuvent en aucun cas se dérouler à la même époque ! Nous sommes près de l'étang, seuls, là ou j'allais lorsque j'étais toute petite, chez mon parrain. On est bien, on déconne comme très souvent, chahutant dans l'herbe chaude de ce mois d'août… Allongés au bord de l'eau, le cliquetis rassurant nous berce. Puis soudain nous décidons d'aller faire un tour dans la vieille barque. Balade sur cet étang on ne peut plus calme se faufilant dans les roseaux, on rame à tour de rôle et tu te moques de moi en disant que l'on va chavirer si je ne regarde pas derrière moi ! Puis on se laisse « dériver »… On parle, on parle beaucoup, c'est une belle journée, pas d'idées noires. Mais bien sûr, tout va basculer, d'un seul coup sans crier gare ! 
Tu te lèves, notre vieille barque tangue, à droite, à gauche, encore à droite… et là tu tombes. Tu bascules dans l'eau, tu coules, puis tu remontes te débattant dans tous les sens pour disparaître et réapparaître successivement plusieurs fois. Et moi je suis scotchée, je te regarde mais ne bouge pas. Tu te noies sous mes yeux et je ne réagis pas ! POURQUOI ? Pourquoi je ne bouge pas ? Pourquoi je ne saute pas ? Pourquoi tu ne nages pas ? Mais putain pourquoi ? Invariablement je me réveille en pleurant… Seules larmes qui arrivent à sortir au travers de mes cauchemars. Et chaque fois je me dis que ce rêve est là pour me prouver que je n'ai pas fait assez pour toi, que je n'ai pas réussi à t'aider comme j'aurais dû. Chaque fois je prends toute cette culpabilité en pleine gueule ! Ça fait si mal… J'ai commencé à t'en vouloir quelque temps après, tu avais brisé cette promesse que l'on s'était faite, celle de tout se dire, quand ça va, quand ça ne va pas ! Celle de ne pas lâcher prise, parce qu'on allait s'en sortir. L'amour qu'on avait l'un pour l'autre allait être vainqueur ! Il ne pouvait en être autrement. Là, tout s'effondrait, je n'avais plus rien ni personne à quoi me raccrocher, alors t'en vouloir était plus facile que d'accepter… Mais ça n'a malgré tout pas duré longtemps… Comment je pouvais t'en vouloir ! Non je n'y arrivais même pas… J'essayais juste de m'en convaincre plutôt, je pense ! Parce que je ne fais que comprendre, trop bien d'ailleurs, que tu aies abandonné. Alors non je ne t'en veux plus, si même je t'en ai voulu un jour, ne serait-ce qu'un peu ! C'est à Lui que j'en veux, c'est à Lui que je voudrais pouvoir hurler tout ça. Lui que je voudrais voir en taule pour tout le mal qu'il t'a fait, et qu'il aurait pu refaire… en espérant que ce ne soit pas le cas ! Un salaud pareil, en liberté, ça vit, ça rigole, et ça fait d'autres enfants et oui, ça a tous ses droits ! Comment imaginer la vie de cette gamine qu'il a eue sans penser à ton passé ! Tu ne l'auras même pas vu grandir ce bébé. J'en étais malade mais pourtant j'étais paralysée, impossible d'agir, jusqu'à ce que je parle sur le net ! C'était en juin 2002. Pour la première fois, je vais commencer à parler de toi. Avec beaucoup de réserve au début, parce que la promesse de mon silence me pèse encore aujourd'hui. Parler sur le net est beaucoup plus simple. Le coté virtuel, qui ne laisse pas voir les émotions facilite ma tâche. C'est ainsi que Linda m'apportera son aide pour me faire sortir tout ce que je gardais religieusement. Fred, il paraît que je t'ai gardé en moi, enfermé jalousement comme un clandestin, un sans papiers. Personne n’arrive à comprendre que j’ai pu rester tant d’années sans jamais parler. Ni de ma douleur, ni même de toi, de ton existence… de nos bons moments à défaut des douloureux. Pourtant, c’est une suite logique. Mon mutisme de petite fille sage n’a fait que s’intensifier avec les épreuves. Exposer ta vie, notre vie au grand jour a fini par déclencher les rafales de larmes contenues depuis 6 ans et demi. Agiter tout ce passé à la surface me plonge de façon encore plus vive dans ma douleur. Pour la première fois en août 2002, j'ai fait ce que je qualifierais d'une sorte de crise d'angoisse. Je me suis fait peur toute seule. Là je me suis rendu compte que j'étais vraiment capable de « sauter le pas. » Je tremblais comme une feuille au fond de mon lit et n'avais qu'une idée en tête, monter au 7ème et sauter… pourquoi, pour qui j'avais peur ? Etait-ce d’ailleurs vraiment de la peur ? En septembre 2002, Christelle, ma sœur, qui habite maintenant dans le Sud, est venue seule chez nos parents en voiture. A 30 Km de chez eux elle mord sur l'accotement, perd le contrôle et fait des tonneaux. Sa voiture est anéantie et bonne pour la fourrière. Elle s'en sort avec seulement quelques égratignures. Cela me secoue d'apprendre ça, mais l'une des premières choses qui me viennent à l'esprit, c'est pourquoi je n'étais pas dans la voiture. Ce qui l'a sauvé, et les pompiers ont été clairs, c'est sa ceinture mais surtout son airbag. Coté passager il n'y avait pas d'airbag et avec un peu de chance… la vie ou plutôt la mort m'aurait souri. Mais heureusement elle n'avait rien, comment j'aurai pu admettre ça ! Rien que l'idée qu'elle soit passée si près de la mort me révulse. 
Fred je suis toujours si mal ! Sept ans sans toi et je suis toujours là malgré tout, comme en suspens au-dessus de cette vie où je n'ai plus ma place ! Qui de nous deux hante l'autre ? Mon loulou, la vie sans toi c'est un calvaire. J’étais ton ange et je me retrouve maintenant en enfer ! Me voilà incapable de construire quoi que se soit. J'ai grandi dans tes bras et aujourd'hui je n'ai plus que du vent à serrer. Quel que soit le lieu, l'heure, le jour, mes pensées vont vers toi ! Paradoxalement, être isolée est l'unique chose qui me ressource, et en même temps c'est ce qui me détruit. En une fraction de seconde, je peux me retrouver seule au milieu d'une foule. Isolée dans ma bulle ou sans égal, toi seul peux pénétrer. En mars 2003 après une semaine de vacances je m'enfonce dans une profonde dépression ! Je subis les jours qui passent, balançant entre larmes et cauchemars et passe donc mes nuits à pleurer… Je suis dans un état pitoyable mais ça y est la semaine est finie et je dois reprendre le boulot. Nous sommes lundi 3 mars j'arrive à la crèche il est 10 h, après une nuit aussi merdique que toutes les précédentes. Pour la première fois, je suis incapable de me contrôler. Ni chez moi, ni même au travail. J'ai un mal fou à dissimuler mon mal-être ! Je m'effraie toute seule… je suis arrivée depuis 3/4 d'heure dans la section, les enfants me sautent dessus et je n'ai qu'une envie, partir en courant ! Les filles me font les transmissions de la semaine mais je suis ailleurs je n'écoute pas… ni même les enfants ! Je me défile en allant installer les lits dans un dortoir… l'une des enfants, Chloé, veut venir m'aider mais je lui dis « non » que je vais le faire seule ! Jamais je n'aurais refusé d'habitude, d’ailleurs la pauvre ne comprend pas. Seulement là, je suis sur le point de craquer ! Je sors du dortoir mais ne peux pas rester… il faut que je disparaisse, c'est la seule chose qui compte… mais comment faire ???? Je prétexte une gastro pour pouvoir m'éclipser aux toilettes et là je fonds en larmes ! En sortant, je vais directement au bureau et dis à Annie, la directrice que je rentre. Je n'ai pas besoin d'expliquer quoi que se soit, vu le travail et ma présence à toute épreuve depuis 3 ans. Elle a déjà tout compris et ne croit en rien à mon alibi qui marche pourtant auprès de mes collègues. Je me sens tellement transparente tout à coup. Elle m'encourage même à consulter, me disant qu'elle aussi est passée par les antidépresseurs et qu'elle espère que je vais y penser sérieusement. Elle me propose même de me raccompagner. OH QUE NON ! Je veux être seule ! Ce n’est pas possible, comment ai-je pu fuir comme ça, devant mon travail ? Qu'est ce qui se passe en moi ? Je suis partie comme une voleuse, sans rien dire, même aux enfants… Je n'ai plus le choix je dois aller voir un médecin ! Difficile d'obtenir un rendez-vous pour ce jour ! Mais il le faut… si je n'y vais pas aujourd'hui je n'irai pas demain non plus c'est certain ! Je finis aux urgences de son cabinet à 21h ! Je tremble comme une feuille, je lui dis quelques éléments mais pas tout ! Comment lui dire face à face ce qui t’a poussé au suicide, comment lui dire que la seule chose que je veux vraiment dans la vie c'est mourir ! Je n’ai pas l'intention de me faire interner. Alors j'enjolive un peu ma situation et malgré tout ce qu'il ne sait pas il me met sous antidépresseur et somnifère, avec un arrêt de travail. A la question avez-vous déjà pensé vous-même au suicide, je lui ai dis NON ! 

Mais où est-ce que je vais comme ça ?

Une histoire d'amour qui commence sur un quai de gare… comment peut-elle se terminer sur le même quai ? J'ai raté un épisode, ce n'est pas juste ! Je m'absente et je devrais te retrouver au cimetière ? Non le destin est trop cruel ! Comment peut-on me dire que la vie continue ? 

La vie c'était toi. Quelle horreur sans toi !

 

Semaine épouvantable évidemment, je ne réponds pas au téléphone de peur que quelqu'un se rende compte que je ne travaille pas… et puis de toute façon comment pourrais-je décrocher ? Je passe mon temps à pleurer ! J'appelle tout de même Annie, inévitablement pour lui dire que je suis arrêtée… et là on y passe plus d'une heure… elle est loin d'être dupe ! A la fin de cette semaine, j'ai Christelle qui vient chez moi pour le week-end. Nous avons un repas au restaurant prévu pour le samedi avec toutes mes sœurs, Stéphane et Héloïse… Comment vais-je tenir ? Patricia et Christelle dorment chez moi, par facilité pour le lendemain, comment est-ce que j'aurais pu refuser ? J'angoisse tellement que j'ai une violente douleur à l'estomac qui remonte et me brûle la gorge. Je suis tellement mal ! Cloitré dans mon lit, je n'ose pas bougé, elles sont toutes les deux sur le canapé, juste en dessous. Mais je vais donner le change, dès le matin. Je me sens incapable de reprendre le boulot… J'ai le sentiment d'être mise à nu ! Aucun signe de désapprobation, j'ai dû réussir l'examen une fois de plus, j’ai réussi à duper tout le monde ce week-end et personne ne semble avoir remarqué quoi que se soit. Le parcours du combattant commence pour retrouver la trace de Marie, ta petite sœur. Ce petit bout, né de ton bourreau et de Sandrine, ta « belle-mère. » D'espoir en désespoir je cherche… Il faut que je la retrouve, j'ai déjà trop attendu, et c'est dégueulasse ! J'ai joué la vie d'une petite fille, pour m'épargner, pour ne pas affronter la réalité ! Ta réalité, et aussi la mienne. Mais je connais si peu de chose pour m'aider dans mes recherches. Je me retrouve avec du vent. Je ne connais pas le nom de famille de Sandrine, ni où elle peut habiter. Je suis au courant qu'ils se sont séparés peu avant ta disparition. Mais je sais aussi que Marie porte le nom de sa mère. Un obstacle de plus pour m'éloigner d'elles deux. Les seules choses concrètes que j'ai, c'est deux prénoms, Marie et Sandrine, une année et un lieu de naissance. Le nom, le numéro de téléphone et l'adresse d'un salaud. En sachant que je ne veux pas passer par lui pour éviter qu'il ne reprenne contact avec la petite si ce n'est pas le cas. Je ne sais pas par où commencer. J'envisage les registres d'état civil, en cherchant toutes les petites Marie nées en cette fin d’année-là. Je me heurte à l'administration. Pas de la famille ? Pas de droit de regard ! Je demande même confirmation à un avocat par l'intermédiaire de l'adjointe de la crèche, en qui j'ai confiance sans arriver malgré tout à lui dévoiler les motifs de mes recherches. Sa réponse est claire et sans équivoque ! Impossible ! J'ai repris le travail depuis une semaine seulement après mon arrêt maladie, je pense avoir bluffé à peu près tout le monde. J'ai repris un peu de force, je ne sais où d'ailleurs, mais je renforce de nouveau ce gros masque que j'ai sur la tronche ! C’est alors que je décide d'aller « chez » ce connard pour faire mon enquête de voisinage ! Savoir s’il vit seul, s’il a des contacts avec elle. Il doit être possible de savoir facilement s’il y a une petite fille dans son entourage. Sauf que le jour venu je me dégonfle, je n’ai pas le cran d'y aller ! Je reste plantée là, chez moi, à rien faire, quand il me vient une idée… Je rassemble le peu de force que j'ai et j'appelle ce salop ! Je me fais passer pour une amie de Sandrine. Je déballe mon histoire à toute vitesse pour ne pas qu'il puisse me couper. Je lui dis que je veux parler à Sandrine, que je ne sais pas si elle se souvient de moi. Qu’elle m'a aidé il y a des années et qu'aujourd'hui si je vais mieux c'est grâce à elle ! Il finit par me dire… - « Ah mais elle n'habite pas là ! - Oh excusez-moi j'ai dû faire une erreur ! - Non non ! Mais on est séparé…» Je joue l'hypocrisie jusqu'au bout même si je suis sur le point de vomir ! - Oh je suis désolée ! Et là je lui dis l'air désespéré (sans trop de mal je l'avoue) que c'est le seul moyen que j'avais de la retrouver pour la remercier. Ensuite je lui demande s'il ne sait pas où je peux la joindre, que je ne connais même pas son nom de famille ! Il me dit que non mais que son nom est «——»! Poliment je le remercie et raccroche ! Comment j'ai bien pu le remercier alors que j'avais envie de lui vomir dessus ! Aussitôt après je me mets à la recherche sur Internet de toutes les Sandrine «——» dans tous les départements… et là je suis sûre d'arriver à la retrouver ! A la fin de ma recherche j'en ai cinq… Quatre en France et une dans un département d'outre mer ! Je commence à appeler et le 1er numéro est un échec… le 2ème aussi… et là je craque ! Je me dis qu'une fois de plus j'ai fais fausse route et là le désespoir m'envahit… Sylvain me dit que je dois continuer que sur les cinq, si elle est dedans il y en a forcément quatre qui ne seront pas les bons numéros ! Je continue donc mais sans conviction et là… le 3ème est le bon ! C'était le 25 avril 2003 ! C'est difficile mais je lui explique les motivations de mon appel, elle m'écoute sans rien dire et à la fin, après avoir entendu mon inquiétude vis-à-vis de Marie elle m'explique qu'ils sont séparés depuis les 2 ans de la petite… après qu'elle lui ait demandé pour une énième fois de la reconnaître et qu'il ait refusé ! Et là, elle a fondu en larmes… Je pense que d'un seul coup elle a réalisé l'enjeu qu'avait pu être son départ… et après elle m'a dit que ça expliquait les relations qu'avaient Fred vis-à-vis de son père et le pourquoi ce dernier détournait systématiquement le sujet ! Elle était mal et je m'en voulais d'en être la cause mais j'étais soulagé pour la petite et complètement euphorique ! Je lui ai laissé mes coordonnées en lui disant qu'elle pourrait me joindre si elle le désirait. Je ne voulais en aucun cas entrer dans leur vie sans son accord. Je ne les rappellerai pas avant qu'elle le fasse… Mon but était de la mettre en garde et c'était fait ! 

Un mois et demi de traitement mais à quoi bon puisque je ne veux plus de cette vie ? J'arrête tout ! Mars, avril, mai… les mois passent et je ne remonte évidemment pas la pente. Moi ? Je n'existe plus simplement. En tous les cas, j'avais pensé que si j'aboutissais dans cette recherche, que j'étais soulagée, alors je pourrais enfin enlever cette culpabilité et essayer de vivre, sans toi. Seulement ce n'était qu'un leurre ! Passé l'euphorie d'avoir retrouvé Marie, même si je n'ai pas eu de contact direct, je me rends compte que contre toute espérance cette découverte ne m'apaise pas ! Loin de là d'ailleurs… C'est plutôt une descente aux enfers ! Oui en faite c'était le seul moteur qu'il me restait, la seule motivation que j’avais encore, maintenant enfin j'ai le sentiment d'être libre ! Comme si je pouvais définitivement me laisser aller… Au travail même si j'adore ce que je fais, je me rends compte que je plonge petit à petit aussi. Je deviens irritable, je manque de patience… tout me gonfle vite ! Ce boulot c'était devenu toute ma vie mais je n'envisage pas de le faire dans ces conditions, et puis de toute manière, qu'est ce que je peux bien leur apporter dans ma condition ! Ma décision est prise, je finis l'année et puisque les enfants vont à l'école à la rentrée, je ne rempilerai pas sur une section de bébé ! 

En faisant ma révérence maintenant c'est le meilleur moment pour la crèche. Le départ des enfants dont j'avais la responsabilité et avant l'arrivée des nouveaux bébés.

Oh ! Fred tu es parti si vite, il y a tant de chose que je n'ai pas pu te dire, pas pu faire tout simplement. Tu as préféré partir seul sans rien me dire. Avais-tu trop peur que je ne t'en empêche ? Sûr, j'aurais essayé une fois de plus mais au final j'aurai bien été obligé d'accepter l'inéluctable. J'aurai pu être là… J'en aurais été capable je le sais ! J'aurai très bien pu être là et resté près de toi jusqu'à la fin. Aujourd'hui au moins peut-être que je n'aurais pas toutes ces interrogations et ces remords. Je serais peut-être plus sereine en sachant que j'ai été là jusqu'au bout pour toi. Alors que là, j'ai ce sentiment d'abandon qui reste. C'est amer ce goût qui persiste. J'ai l'impression de t'avoir laissé tomber au moment le plus capital. Celui ou tout a pris trop d'ampleur et où tu as été submergé. Ce soir je t'en veux, non pas d'avoir abandonné mais de ne pas m'avoir laissé être à tes côtés. De m'avoir exclue de notre histoire même si elle devait se terminer ainsi.Nous sommes en juillet 2003. Je décide que le moment est venu, mon tour de partir. Je suis en vacances depuis plus de deux semaines et je ne fais rien ! Si ce n'est tout remuer dans ma tête, le passé et la souffrance qui va avec ! J'ai le sentiment d'être vraiment arrivée à la fin, la fin de tout ! A quoi bon reprendre le boulot, si c'est pour quinze jours, un mois ou même six… Qu’est-ce que ça changera ? J'avais tout préparé pour mon départ. Trois jours que je faisais du tri, du rangement et un peu de ménage. J'ai jeté beaucoup de choses inutiles ou alors des choses que je ne voulais pas qu'on puisse lire ! Et puis j'ai fait en sorte de laisser une explication même si je sais que ça n'enlève pas la douleur… Mais le vide c'est encore plus cruel je pense. Ce jour-là je suis partie de chez moi, qu'importe, je voulais mourir. Le diable pouvait bien passer un pacte avec moi, ma vie en échange d'une journée ensemble, d’une heure même, je signais tout de suite. Tu vaux tout l'or du monde pour moi. Je ne suis rien sans toi, sans ton regard. Même ma main est perdue sans tes cheveux. Tu me manques tant. Seulement les choses ont pris une autre dimension, j'ai perdu le contrôle alors que je croyais être maître de la situation. Une personne a court-circuité tous mes plans. J'ai dû renoncer, mais à quoi bon, et jusqu'à quand ? Renoncer pourquoi, pour qui ? Ce jour-là, avant tout pour cette personne qui s'est interposée, mon suicide c'était un acte entre moi et moi. Jamais je n'aurai pu lui faire ça en direct live. Et après des heures de discussion, insoutenable où je me refuserai à craquer face à elle, elle me mettra en tête des idées qui me feront réfléchir, culpabiliser même une fois de plus. 

Je n'ai soi-disant pas le droit de partir, je suis la seule à être porteuse de ta mémoire, de ta souffrance, la seule à savoir qui tu étais… (Quelqu’un de formidable.) 

La seule à connaître ton sourire (doux), tes yeux (souvent trop sombres), tes mains (délicates), tes larmes (brûlantes et déchirantes.) Partir serait t'abandonner, te laisser tomber dans l'oubli… Prendre le risque qu’on t’accuse, parce que personne ne peut comprendre à moins d’être passé par là !  Alors aujourd'hui pour qui je devrais rester… mes parents, mes sœurs, cette petite Héloïse qui clame sa « tata Manue » partout, mes deux neveux qui doivent naître d'ici la fin de l'année (Mathis et Lucas) et mes ami(e)s. 

J'ai raté le coche. Il s’ensuit trois jours sous surveillance intensive, jour et nuit. Privé de sommeil, mais je ne craquerai à aucun moment. Déjà les vacances sont terminées, je reprends le chemin de la crèche. 

Une nouvelle année commence, un nouveau cycle, toujours de nouveaux bébés… Mais invariablement la même douleur. 

C’est dans cet état d’esprit que je ferai l’adaptation de Tristan, et avec une migraine épouvantable, celle de Dan. Ce petit bonhomme ne sait pas qu'il me sera d'un grand secours durant les 3 années à venir.  J'avoue avoir posé une semaine de vacances en octobre en vue de réussir cette fois après ce dérapage du mois de juillet. Et là contre toute attente et bien j'en suis incapable. Je me rends compte que je n'ai toujours pas envie de vivre et pourtant je ne peux pas non plus mettre fin à mes jours. 

Le temps passe toujours aussi cruel, atroce. 

 

Noël passe, un de plus au palmarès, mauvaise ambiance, manque de toi, souffrance !  Après tous ces noëls difficiles chez mes parents où l'inquiétude légitime nous envahit à l'idée que l'alcool soit au rendez-vous, celui-ci devait avoir un autre parfum. Fait de rire d'enfants, de magie. Mais non bien sûr cela aurait été trop bien, alors l'ambiance est lourde, faite de non-dits, de regards en coin… d'agacement ! 

A la suite de ce Noël, une dispute éclate. Les dés sont jetés, je ne vois plus les enfants de ma sœur. Nouveau coup au moral… un point de moins du coté des raisons de rester sur terre ! 

Le 6 avril 2004 j'ai reçu un coup de fil de ta « belle-mère », Fred. Rien que sa voix m'a complètement bouleversée. Une année vient de s'écouler sans aucune nouvelle. 

Elle m'a demandé mes coordonnées, me disant qu'elle voulait m'envoyer quelque chose. Dans les jours qui ont suivi, j'ai reçu un chrono poste. Je n'arrivais pas à l'ouvrir… je me demandais bien ce qu'il pouvait contenir. Il m'a fallu 2 jours pour regarder dedans, et trouver ta gourmette, Fred. 

Je n'ai pas pu la toucher, je n'y arrivais même pas. C'était vraiment trop dur. Deux jours ont encore passé avant que je ne puisse la prendre.  C'est vraiment trop bête comme réaction ! Mais je n'avais rien à toi, rien ne t'appartenant si ce n'est mes souvenirs. 

Ca m'a fait un choc énorme. Comme si enfin ça matérialisait ta disparition ! Pour que je sois en sa possession c'est que tu ne l'avais plus…  La plaque était toujours vierge, tu ne l'avais pas encore fait graver. 

C'était un cadeau de Sandrine, pour ton anniversaire, après qu'elle t'ait demandé ce que tu voulais. Elle t'avait laissé le choix de le faire. Aujourd’hui je me demande encore… pourquoi lui avoir demandé ça ? J'ai longuement hésité à la laisser telle quelle, puis j'ai pris la décision de la faire graver. 

Elle t'appartient et sera toujours à toi… c'est une façon pour moi de laisser une trace de toi, de t'avoir encore plus près de moi !  Depuis elle ne me quitte plus mais je suis complètement sans dessus dessous. 

J'ai l'impression de perdre pieds, et même si les idées suicidaires ne m'ont jamais quittée, elles me rattrapent à grands pas. Ca fait tellement mal… la douleur ne s'arrête donc jamais… ? 

Des scénarios tournent en boucle dans ma tête… En finir c'est tout ce qui compte. Puis la « crise aiguë » passe et les pensées se calment un peu, jusqu'aux suivantes. 

Un souvenir me revient à l'instant. Il y a peut-être un an ou deux, j'ai rêvé de toi. C'est tellement rare si l'on met mes cauchemars de coté. Si seulement je pouvais au moins passer mes nuits avec toi, comme ce jour-là. C'était si réel, comme un morceau de vie arraché à son contexte.  Une histoire qui n'aurait pas terminé de façon tragique. Une seule image est resté gravée dans ma mémoire, le reste du rêve s'est dissipé pour laisser uniquement place à un sentiment de bien-être, de bonheur indestructible. 

Cette image tirée de mon esprit, nous représente tous les deux, main dans la main, marchant dans une rue que je reconnais bien. (Elle ne faisait d'ailleurs pas partie de nos escapades.)  Nous marchons donc, l'air insouciant, heureux. Toi, tu as la tête baisée, et moi je vous observe. Oui ! Vous, parce que tu portes fièrement un bébé sur ta poitrine. Il a l'air d'avoir environ 5 mois. Une petite tête blonde dépasse d'un porte bébé, avec un grand sourire. Deux jambes et deux bras s'agitent de chaque coté au rythme des chatouilles et souffles sur ses minuscules cheveux. Sa petite bouille me donne l'impression que c'est un garçon. (Tu m'avais pourtant passé commande d'une petite poupette.) 

Te voir ainsi dans le rôle du père protecteur et aimant me ravie. Si seulement ce n'avait pas été qu'un rêve. 
D'un autre coté, je sais qu'heureusement que ce petit bout n'est pas là, qu'il souffrirait trop de ton absente. Je n'arrive pourtant pas à me persuader que la fin aurait été la même pour toi s'il avait été avec nous. Cependant, ni lui ni moi n'aurions pu effacer ton enfance, toute cette tragédie. Mais peut-être que cet enfant aurait réussi à te prouver que tu étais quelqu'un de bien, capable de vaincre ta peur de devenir comme ce criminel. Je reste convaincu que seule la paternité pouvait te délivrer de l'emprise de ton père. 
Le réveil est d'autant plus brutal qu'il renvoi à l'absence, ce vide si douloureux que tu as laissé en partant. Ce trou est tellement béant que j'ai l'impression que maintenant tout ce qui est autre que toi, glisse sur moi sans m'atteindre. Que rien ne pourra plus me toucher en plein cœur comme tu as pu le faire. Rien ! 

Nous sommes le 27 novembre 2005, aujourd’hui, s’il n’avait pas pris cette décision, il aurait 31 ans. Je ne sais pas ce que la vie nous aurait réservé, mais je me plais à croire que nous serions heureux. Dans notre Univers, un plus un aurait déjà fait quatre. Il serait le meilleur père du monde, et on se battrait ensemble au coté d’une association pour les droits de l’enfant. 

Tant de questions restent sans réponses. 

Neuf années, huit mois et vingt-deux jours que tu es mort. Oui ! Mort ! Pourtant j’ai encore du mal à l’écrire, alors comment je pourrai bien l’admettre ! 

Où reposes-tu aujourd'hui ? Qu'a-t-il fait de toi ? Je n'ose imaginer ! A t-il fait l'affront comme pour ta mère de ne pas respecter ta dernière volonté ? J'ai trop peur de la réponse. Pourtant au fond de moi, je sais, j'en suis convaincue, mais j'essaie d'éloigner cette idée pour garder un peu l'espoir qu'au moins une fois dans sa vie il ne t'aura pas bafoué ! Est-ce si étrange de ne pas vouloir savoir ? De préféré l'ignorance à un outrage de plus ? 

La seule chose qui me calme c’est de marcher sous une averse, ça me donne la sensation d'être enveloppée, d'être plus près de toi. Il n’y a pas de meilleur moyen pour pleurer tout en passant incognito. La pluie qui ruisselle a bien vite fait de couvrir les pleurs. Gouttes salées, cachées sous un torrent d’eau douce. 

Serait-ce les larmes du monde ? 

Cet été, nous avons eu un orage mémorable ! Une pluie diluvienne avec de grosses gouttes bien lourdes ! J'étais à la fenêtre, mais ça ne fait pas le même effet que dessous. J'ai réussi à me faire violence pour sortir. En prenant l'ascenseur, la commère de mon étage a cru bon me prévenir qu'il pleuvait, elle voulait absolument me refiler son parapluie dégoulinant. Arrivé en bas de l'immeuble, 3 personnes agglutinées devant la porte attendaient la fin de l'averse pour sortir, j'ai presque dû les pousser pour passer ! 

A peine j'avais fait deux pas dehors que mon tee-shirt avait changé de couleur, comme si j'avais reçu un seau d'eau sur la tête. J'avais mon MP3 à fond sur les oreilles, et j'ai fait tout le tour du pâté de maison, dix bonnes minutes. Il pleuvait tellement que les caniveaux n'absorbaient même plus le trop plein. Mes chaussures débordaient à chaque pas. Les rares personnes que j'ai croisées se cramponnaient à leur parapluie (au cas ou quelqu’un aurait l’audace de leur faucher), et semblaient désolées pour moi. 

Plus un millimètre carré de sec sur moi. En arrivant en bas de l'immeuble, les 3 personnes n'avaient pas bougé et m'ont regardé comme si j'atterrissais de la planète Mars.
C'était court mais ça m'a fait du bien. Je me suis revue la fois ou j'ai fait la même chose avec toi, Fred. J'avais presque dû te traîner dehors parce que tu avais peur que je sois malade, devant rester dans mes fringues trempées après pour rentrer chez moi. (tu avais bien essayé de me passer un pull mais j’avais refusé, imaginant déjà devoir me justifier) On était tellement bien sous la pluie, tous les deux. Comme si tout le décors n'existait plus.
Après cette averse, je me suis sentie un peu plus légère, comme si un peu de tout ce poids qui me pesait dessus avait un peu fondu sous l'orage. 

Le temps passe et l'ignorance devient parfois très douloureuse également. Comment savoir si je dois prendre cette décision qui semble s'imposer à moi. Des années à préférer ne pas savoir, de crainte du résultat. Et si la douleur était encore pire après ? Vais-je pouvoir gérer cette situation quelqu'en soit l'issue ? Entre pire et moins pire, le choix reste limité ! Il y a si longtemps que je repousse l'échéance, mais l'interrogation vient se heurter de plus en plus fréquemment à mon cerveau. 

Je finis par vivre dans deux univers différents, le tien et celui des autres. Le problème c'est que les deux ne se rejoignent jamais. Je n'ai pas de place, ni dans l'un ni dans l'autre. 

Une chute vertigineuse qui dure depuis 10 ans. On pourrait me croire au fond du trou, mais non, parce qu'un gouffre est sans fin !  Une évidence puisque la seule chose après laquelle je cours, c'est toi ! 

J'ai mal, mal de toi, mal pour toi, mal pour moi aussi.  Et puis voilà un anniversaire de plus. Je suis déjà au ras des pâquerettes. C'est le coup de bambou ! 

Tu aurais 32 ans, je crois que c'a été le plus terrible pour moi. Je suis encore descendue d'un cran, toujours plus bas, pas d'issue. 

C'est insupportable cette absence. Je suis déchirée par l'envie d'être avec toi, dans tes bras, tellement tu me manques. Pourquoi tu es parti sans moi… Pourquoi m'avoir laissée toute seule ici ? Je te l'ai tellement dit que je ne pourrais pas vivre sans toi, ce n’est pas possible que tu l'aies oublié. Et puis ça me fait si mal de t'imaginer seul avec ta détresse ce jour-là. Mon pauvre loulou.  Je commence tout juste à refaire un peu surface, mais ça fait 2 mois que je dégringolais de jours en jours. Le fait d'être chez moi sans travailler depuis 1 mois, n'arrangeait pas les choses en plus. 

Depuis longtemps déjà je me saoule de musique, mais j'ai découvert de nouveaux horizons, des chansons qui me parlent de toi, de nous. Est-ce que ça aurait pu t'aider de les entendre ? 

Isabelle Boulay, Matthieu Mendès, François Feldman, Patrick Fiori, Renaud, Lim, Noir Silence, Johnny Farago,
La Chicane… la liste est longue. 

Puis il y a ce site avec les bougies, je ne sais même plus si tu savais que j'aimais les bougies, c'est parfois compulsif, j'en allume plein pour toi, et puis je te dis à quel point tu me manques… mais ça tu dois le savoir ! 
Aujourd'hui, je me sens condamnée. Pas condamnée à mort bien sûr. Ici pas de chaise électrique ou d'injection mortelle. Mais une condamnation à la vie. A une vie dont je ne veux pas ! Une vie amputée, où mon cœur a volé en éclat. 
Ecrire tout ça m’aura non seulement pris des années, mais m’aura fait avancer, prendre conscience que je ne pouvais malheureusement pas sauver ni le monde, ni même celui qui représentait toute mon existence. On m’a dit un jour que j’avais été un rayon de soleil dans sa vie. J’espère au moins avoir réussi ça ! 

Merci à : Linda, Birdy, Cathy, Sylvain, Corinne, France, Damien, sans qui je n’aurai jamais eu la force d’aller jusque-là. 

Aujourd'hui je tiens aussi à remercier Bruno. D'octobre 2006 à mai 2007, je vivais comme dans un sous-marin. Impossible de refaire surface. J'ai failli me noyer des centaines de fois. J'aurai évidemment préférée qu'on se rencontre dans d'autres circonstances. Mais tu sais, ta façon de parler de Gaël et Thomas, ta force pour te relever et ne pas te laisser couler, tes larmes entre coupées de rire… tout ça quoi.
Je crois bien que c'est toi qui m'a donné la plus belle claque pour tenter de me remettre en selle. Tu es le roi du recadrage, et là c'est pas Rudy qui va me contredire.
C'est loin d'être gagné, mais c'est déjà un pas vers la vie. J'arrive à rire avec vous, c'est donc bien que je suis encore vivante. Alors merci Mimi, je t'aime, pour tout ce que tu es.
Je vais donc encore essayer de naviguer un peu.

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